En cette fin d’année, coup dur pour les professionnels du secteur du CBD et pour les consommateurs.
Le gouvernement français a publié un arrêté au journal officiel le vendredi 31 décembre, limitant la vente de produits à base de CBD en interdisant la commercialisation de fleur brute non transformée.
À partir du 2 janvier, si vous cherchez du CBD et qu’il n’y a plus de fleur en magasin, c’est normal. La fleur de CBD est illégale en France dorénavant.
Les boutiques physiques et les vendeurs en ligne sont légalement obligés à partir du 2 janvier à minuit, de retirer de la vente les fleurs de CBD brutes non transformées, et ceux même si elles sont mélangées avec d’autres ingrédients.
Les produits contenant des extraits de CBD comme l’huile de CBD, le hash ou encore le miel CBD, les e-liquides CBD et les cristaux de CBD restent quant à eux légaux.
Que dit précisément la nouvelle loi interdisant la vente de fleur de CBD ?
Soucieux d’encadrer la production et la commercialisation de ce dérivé du chanvre depuis un moment, l’Etat français a publié cet arrêté concernant le CBD, une molécule non-psychoactive extraite du cannabis à laquelle sont attribuées des vertus apaisantes et anti-inflammatoires.
Il interdit ainsi « La vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation. »
Si l’arrêté du 31 décembre interdit la vente de fleurs, il autorise également les agriculteurs français à produire légalement du chanvre riche en CBD dédiés à l’extraction et à la transformation en d’autres produits comme l’huile de CBD. Le texte stipule ainsi que :
« Seuls des agriculteurs actifs au sens de la réglementation européenne et nationale en vigueur peuvent cultiver des fleurs et des feuilles de chanvre »
Le gouvernement autorise cependant la production, l’exportation, l’importation et la transformation de la fleur de CBD (Cannabis sativa L) ainsi que la commercialisation des produits contenant du CBD extrait de la fleur. Tous les plants de chanvres servant pour l’extraction doivent être inscrits au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées en France à défaut au catalogue commun des variétés de plantes agricoles
Le taux de THC maximum légal contenu dans la plante de chanvre est lui aussi rehaussé, passant de 0,2 % à 0,3 %.
La France refuse de suivre l’union européenne
La croisade du gouvernement français contre le CBD n’est pas une nouveauté. Déjà en 2018 et 2019, la France avait fermé de nombreuses boutiques commercialisant du cannabidiol.
Ces dernières années, l’Europe a plusieurs fois rappelé la France à l’ordre jugeant les décisions françaises comme allant à l’encontre de la législation Européenne.
En 2020, la France avait interdit la commercialisation du CBD sur son territoire. Ce produit pourtant déclaré non psychotrope et sans risque par l’OMS ne peut pas être qualifiée de drogue. Fin 2020, l’Europe avait ainsi refusé l’interdiction française, invoquant la libre circulation des marchandises et soulignant que le CBD n’était ni un stupéfiant ni un médicament. L’affaire Kanavape fait également jurisprudence en métropole.
Suivant la décision de l’Europe, de nombreux commerçants et entrepreneurs ont ouvert massivement des boutiques de CBD partout en France, mais aujourd’hui, le gouvernement revient au galop pour briser ce marché lucratif.
Pourquoi la France interdit la fleur de CBD ?
L’interdiction de la vente des fleurs de chanvre est présentée par le gouvernement comme une décision relative à la santé, au bien-être des concitoyens et à l’ordre public.
- Dans un premier temps, le gouvernement considère que la fleur de CBD n’est pas différentiable durant un contrôle de police d’une fleur contenant du THC. Les agents de l’ordre n’auront pas la possibilité de comparer une fleur riche en THC et une autre concentrée en CBD.
Néanmoins, en Suisse, les policiers disposent depuis 2018 d’un dispositif permettant d’identifier le taux de THC et de CBD lorsqu’un de leurs agents est confronté à cette situation. Il suffit de placer un échantillon dans un petit sac en plastique épais contenant deux mini-ampoules. Pressez entre le pouce et l’index pour libérer les réactifs chimiques présents, l’hydroxyde de sodium et l’éthanol. Secouez brièvement et en moins de 30 secondes, le liquide change de couleur. Le rose correspond au CBD ou le bleu au THC.
- Dans un second temps, la France considère qu’il y a une urgence sanitaire. Le CBD sous forme de fleur peut se consommer en tisane, mais il est également fumé ou vapoté, si fumer du CBD n’est pas recommandé, il est mélangé la plupart du temps à du tabac qui lui est fortement nocif, addictif et cancérigène.
Soulignons que la fleur de CBD peut être vapotée et consommée en tisane pour profiter pleinement de ses effets bénéfiques sans ingérer de produit issu de la combustion. Fumée pure, elle ne libère qu’une infime quantité de substance nocive. Le CBD est un produit naturel, non-nocif, non-addictif et possédant des propriétés relaxantes et anti-inflammatoires.
Le tabac est quant à lui nocif, dangereux pour la santé physique et mentale, très fortement addictif mais bien légal.
L’impôt prélevé aux entrepreneurs du CBD et la taxation sur les marchandises pourraient permettre de facilement payer des dispositifs similaires aux tests Suisses. Certains pays ont ainsi augmenté la TVA sur le CBD pour permettre de financer sans frais supplémentaires ces tests.
Les arguments peu convaincants de l’État français font s’interroger sur les objectifs de cette loi. Enjeux politiques à venir, fin de mandat ou encore lobbyisme des groupes pharmaceutiques et des tabacs qui aimeraient avoir le monopole du CBD n’aident pas à y voir clair.
Les conséquences de l’interdiction sur le marché français du CBD
Selon les experts du secteur, la fleur de chanvre représente actuellement 50 à 70 % du chiffre d’affaires des magasins spécialisés. À partir du 2 janvier à minuit, tous les buralistes, pharmacies et magasins spécialisés qui vendent de la fleur brute devront obligatoirement la retirer de la vente.
Les plus touchés sont sans aucun doute les 1800 boutiques spécialisées dans la vente de CBD présentes sur le territoire français. Ce ne sont pas moins de 5 000 à 10 000 emplois directs qui vont disparaître.
Les consommateurs, eux aussi, vont en pâtir. La fleur de CBD est, pour beaucoup d’anciens fumeurs de THC, un placebo pour se sevrer de la molécule psychotrope tout en gardant le goût et la gestuelle et ainsi faciliter l’arrêt. Mais le CBD peut aider à arrêter le tabac, c’est pour certains une alternative au tabac et un moyen de se sevrer de la nicotine en apaisant les effets de manque.
Il existe différentes méthodes pour consommer du CBD et il est ainsi possible de trouver des alternatives, en consommant de la résine de CBD par exemple qui peut être vapoté également.
La fleur de CBD est illégale en France – Avis d’expert :
Pour Yann Bisiou, professionnel du droit du médicament, “cette publication laisse perplexe d’un point de vue juridique”. Selon lui, le mandat est “manifestement en opposition” avec la jurisprudence Kanavape.
Le 23 octobre 2018, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, contre toute attente, a saisi la Cour de justice de l’Union européenne dans cette situation qui concerne 2 entrepreneurs marseillais qui ont commercialisé une e-cigarette à base de CBD.
Quelques jours plus tard, le 18 novembre, la Cour européenne a rendu sa décision : l’interdiction en France de la publicité pour le CBD est interdite. La justice européenne a mis en avant la libre circulation des articles et a rappelé que contrairement au tétrahydrocannabinol (THC), la molécule du cannabis Sativa aux effets psychédéliques, le CBD ne peut être considérée comme un anesthésiant, n’ayant “aucun résultat psychotrope ou impact dangereux sur le bien-être humain”. Le 23 juin 2021, la Cour de cassation française a jugé que les fleurs produites légalement vendues dans un pays européen ne peuvent être interdites en France.
“Les recours risquent d’être nombreux et quatre questions préjudicielles, portant notamment sur l’interprétation des critères d’identification des stupéfiants, sont actuellement devant le Conseil constitutionnel, qui doit donner son avis le 7 janvier”, explique Yann Bisiou. La Cour de cassation pourrait également juger que l’ordonnance n’est pas valide.”
La fleur de CBD redeviendra-t-elle légale en France à l’avenir ?
De nombreux recours vont être faits par les commerçants, et les associations auprès de l’Etat français. L’Europe va probablement dans le futur refuser la décision française, mais si le texte de loi est revu, cela va prendre du temps et d’ici là la plupart des boutiques en France aura fermé, faute de produits à vendre.
Il est également possible que la France autorise uniquement certains acteurs à vendre du CBD sous forme de fleur, comme c’est le cas pour le tabac.